On tend à distribuer les rôles : à l’écrivain la voix, au critique le savoir réflexif. D’un côté, une mystique de l’écriture (aujourd’hui souvent dominante), de l’autre, l’obsession scientiste. Dans la tradition de la pensée critique française, ce dualisme simpliste n’est pas sans conséquences. Il réduit trop souvent l’exercice de la pensée à la construction impersonnelle d’une glose, où la subjectivité n’est plus assumée. Leiris, Quignard, Barthes, Sartre, Calvino, Adorno ont tour à tour posé dans toute sa complexité cette question du rapport entre la voix et le savoir, entre la subjectivité et la grammaire, invitant à une écriture critique où la rigueur ne s’oppose plus au rythme, où une voix singulière, informée et vivante s’adresse à un lecteur dans une relation tout à la fois spéculative et émotionnelle.