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La structure du poème entre les Lumières et le romantisme
Deuxième partie
Le présent article propose de comparer Sándor Petőfi, figure de la révolution hongroise de 1848, avec quelques autres poètes romantiques d’Europe centrale et orientale au XIXe siècle comme le roumain Mihail Eminescu, le polonais Mickiewicz ou encore Pouchkine. Le parallèle, de type analytique, aborde tour à tour les origines familiales (parfois étrangères), le cursus d’enseignement suivi (souvent interrompu), un épisode militaire au caractère généralement ambivalent, et enfin la complexité de l’engagement national.
La notion d’esthétisme, dessinant le profil conceptuel des romans d’artiste, a commencé à s’inscrire dans les mentalités européennes au cours de la première moitié du XIXe siècle. C’est dans la fameuse préface de Mademoiselle de Maupin que Théophile Gautier a écrit qu’« il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien ». (Gautier 1880: 22, Angyalosi 2013: 400) La philosophie de la vie et de l’art qui était alors en train d’émerger affecta tout le continent, plaçant l’apparence esthétique au sommet de la hiérarchie de l’existence humaine. Cette attitude était, en outre, renforcée par l’approche innovatrice des philosophies kierkegaardienne et schopenhauerienne. Pour la première fois, avec la perception romantique de la vie et de l’art, une vision esthétique du monde prenait forme en une sorte de programme d’action. Or ses racines remontaient au XVIIIe siècle. En effet, c’est dans le contexte du néoclassicisme qu’était né l’idée d’absolutisation de la beauté en tant que refuge, ce qui devait évidemment entraîner une perception nouvelle du rôle de l’artiste. Dans cet article, je tenterai de présenter brièvement le processus au cours duquel, dans la deuxième moitié du XIXe siècle, l’esthétisme dans la littérature hongroise – à peine esquissé à l’ère des réformes – s’est développée dans un nouveau genre: celui du “roman d’artiste” et de la “nouvelle d’artiste”.
Le rôle historique du facteur religieux est actuellement un problème majeur dans la réflexion historiographique en Hongrie. Le positivisme et le romantisme, dont la Réforme avait été la matrice dans tous les pays européens, ont procuré une stimulation mentale décisive aux historiens hongrois du milieu du XIXe siècle, en particulier Mihály Horváth et László Szalay, dans leur effort en vue de l’émancipation religieuse et dans leur lutte contre la dynastie Habsbourg, lutte dont le coeur était justement la principauté calviniste de Transylvanie. La lutte des ordres transylvains au XVIe et XVIIe siècle fut ainsi considérée comme les prémisses de la lutte pour l’indépendance, principal moteur de la société hongroise au XIXe siècle avec le développement du libéralisme. Ces idées s’imposèrent dans le savoir historique dont, jusqu’alors, les plus prestigieux épisodes étaient la conquête du Bassin des Carpates, l’âge d’or du royaume médiéval et la défense contre les Turcs (le « bastion de l’Europe »). D’ailleurs, l’image que la Réforme se faisait d’elle-même, c’est-à-dire le progressisme libéral, convenait tout aussi bien en tant que contre-image aux catholiques conservateurs (ultramontains), qui, depuis les Lumières jusqu’aux progrès de la pensée scientifique moderne en passant par la Révolution, tenaient la Réforme pour responsable de tous les phénomènes préjudiciables au catholicisme1. En s’efforçant de s’approprier les outils symboliques de la pensée nationale hongroise, le protestantisme, en voie de sécularisation, mettait en place une stratégie qui allait finalement s’avérer dommageable à la formation d’un discours national unitaire.